"C’est en soi-même qu’il faut chercher refuge, où d’autre pourrions-nous?"
- Bouddha

Le vrai remède à l’anxiété: se sentir en sécurité

Par Martin Jutras

Et si l’anxiété ne venait pas d’un esprit trop agité, mais d’un corps qui ne se sent pas en sécurité? Le Bouddhisme nous invite à aller à la racine de notre mal-être, là où naît la peur.

Contrairement à ce que l’on croit souvent, l’anxiété ne naît pas simplement d’un excès de pensées. Elle prend racine dans un sentiment d’insécurité, souvent ancien, parfois silencieux, toujours ressenti. C’est comme une alerte intérieure qui ne s’éteint jamais vraiment. Le Bouddhisme originel reconnaît ce vécu: quand l’être ne se sent pas en sûreté, le mental s’agite. Mais cette agitation n’est que le reflet d’un sol intérieur devenu instable.

Nous cherchons la sécurité dans le contrôle, dans la certitude, dans l’avenir. Mais tout ce que nous tentons de fixer glisse inévitablement entre nos doigts. Le Bouddha nous rappelle que l’impermanence est la nature même de l’existence. Cette vérité, quand elle est mal intégrée, nourrit la peur. Pourtant, quand elle est pleinement comprise, elle ouvre la porte à une autre forme de sécurité — non pas dans ce qui change, mais dans notre manière d’y faire face.

Et cela commence toujours par le corps. C’est lui qui porte la mémoire de nos peurs. C’est lui qui réagit avant même que la pensée apparaisse. Un front crispé, un ventre noué, des épaules levées sans qu’on s’en rende compte. Le Bouddha enseignait l’importance de ramener l’attention dans le corps. Non pour l’analyser, mais pour l’habiter pleinement. Car c’est là, dans cette maison vivante, que peut renaître le sentiment d’être en sécurité.

La respiration joue ici un rôle fondamental. Elle est le lien direct entre le corps et l’esprit. Quand la peur monte, le souffle se coupe ou s’accélère. Mais lorsqu’on revient simplement à l’inspiration et à l’expiration naturelles, quelque chose s’apaise. Le Bouddha recommandait d’observer le souffle sans le forcer, tel qu’il est, encore et encore. C’est un geste de confiance. Comme si, à chaque cycle respiratoire, on disait doucement à notre être: "Tu peux rester ici. Tu es en sécurité."

Au fil de cette présence au souffle, le corps commence à se relâcher. Non pas parce qu’on le commande, mais parce qu’il sent qu’il n’a plus besoin de se défendre. Le sol sous les pieds devient plus réel. Les contours du monde cessent d’être menaçants. Ce relâchement profond n’est pas une technique. C’est une permission silencieuse: celle d’exister sans se protéger en permanence.

"Elle [l'anxiété] prend racine dans un sentiment d’insécurité, souvent ancien, parfois silencieux, toujours ressenti."

Lorsque le corps se pose, l’esprit suit. Les pensées continuent, mais elles perdent leur urgence. Elles deviennent des formes passagères, des reflets sans danger. Le Bouddha n’invitait pas à lutter contre elles, mais à les regarder avec une attention tranquille. "Ceci est une pensée, pas une réalité." Et cela suffit souvent à désamorcer l’élan anxieux, comme on éteint doucement une flamme qui vacille.

Enfin, cette sécurité intérieure a besoin d’un environnement qui la soutient. Un cadre de vie simple, des présences bienveillantes, des rythmes stables: tout cela parle au système nerveux autant que la méditation. Le Bouddha insistait sur la force du contexte. Entourer son quotidien de douceur, de clarté et d’éthique, c’est créer un espace où le corps et l’esprit peuvent, enfin, se déposer.

Ce chemin vers la sécurité intérieure n’est pas une fuite du réel, ni une méthode rapide. C’est un retour patient à ce qui est déjà là. Un souffle. Une sensation. Une présence. Et peu à peu, une paix qui ne dépend de rien d’autre que de ce moment, tel qu’il est.

En résumé

L’anxiété ne se guérit pas en essayant simplement de se détendre. Elle diminue quand le corps, l’esprit et l’environnement donnent le signal que nous sommes en sécurité, ici et maintenant. Le Bouddhisme originel nous invite à reconstruire ce sentiment de sécurité, non en cherchant à tout contrôler, mais en cultivant une stabilité intérieure enracinée dans la réalité.

Mise en Pratique

  • Revenir au corps: Chaque jour, prendre un moment pour ressentir le contact du corps avec le sol ou la chaise. Laisser la respiration se dérouler naturellement, sans chercher à la contrôler.
  • Observer les pensées anxieuses: Lorsqu’une pensée anxieuse survient, la reconnaître simplement comme une pensée liée à la peur ou à l’anticipation. L’observer sans s’y attacher, ni tenter de la résoudre immédiatement.
  • Créer un environnement sécurisant: Aménager un espace simple, apaisant et ordonné dans son lieu de vie. Réduire les sources de stress visuel ou sonore, et favoriser les éléments qui inspirent la stabilité.

Le Saviez-vous?

Dans les textes anciens, le Bouddha enseigne que la confiance (saddhā) est l’un des piliers du chemin spirituel. Cette confiance n’est pas aveugle, mais naît de l’expérience directe du soulagement de la souffrance. En cultivant cette confiance dans la voie, un sentiment de sécurité profonde se développe naturellement, même au cœur de l’incertitude.