EMI et Bouddhisme: ce que les expériences de mort imminente révèlent sur la conscience
Par Martin Jutras
Les expériences de mort imminente dévoilent une forme de conscience au-delà du corps et du moi. Le bouddhisme originel propose une vision similaire, fondée sur l'observation directe.
Les témoignages d’expériences de mort imminente (EMI) décrivent souvent une conscience qui dépasse le cadre habituel de la perception. Ces vécus, bien qu’issus d’un contexte moderne, trouvent un écho remarquable dans les enseignements du Bouddha sur la conscience. Cinq correspondances majeures se dégagent de cette comparaison, chacune éclairant la nature profonde de l’esprit telle que la comprend le bouddhisme originel.
1. La nature non-locale et illimitée de la conscience:
- EMI: De nombreux témoignages d'EMI rapportent une expansion de la conscience au-delà des limites du corps physique. Les personnes disent percevoir des événements se déroulant dans d'autres lieux, voire avoir une conscience de l'ensemble de leur vie ou d'une forme de connaissance universelle.
- Bouddhisme: La conscience, dans de nombreuses écoles bouddhistes (notamment le Mahayana), n'est pas considérée comme une entité fixe et limitée au corps. Des concepts comme l'alayavijnana (conscience-réceptacle) suggèrent une base de conscience vaste et interconnectée qui conditionne l'expérience individuelle. La nature fondamentalement pure de la conscience (amala-vijnana) est également vue comme illimitée et au-delà des dualités.
2. La conscience comme un flux continu:
- EMI: Bien que l'EMI se produise lors d'une perte de conscience clinique, les récits indiquent une continuité de l'expérience subjective, souvent décrite comme plus réelle que la réalité ordinaire.
- Bouddhisme: La conscience est conceptualisée comme un flux constant d'instants de conscience (citta-santana), un processus dynamique plutôt qu'une substance statique. Chaque instant conditionne le suivant, créant une continuité d'expérience.
3. La distinction entre la conscience et l'ego/le soi:
- EMI: Lors d'une EMI, les individus rapportent souvent une décorporation et une observation de leur propre corps sans identification émotionnelle. Il y a une perte du sentiment habituel du "je".
- Bouddhisme: L'enseignement fondamental de l'anatman (non-soi) stipule qu'il n'existe pas de soi permanent et indépendant. L'ego est vu comme une construction mentale illusoire qui voile la vraie nature de la conscience. L'EMI pourrait offrir une expérience directe de cette absence de soi stable.
4. L'importance de la clarté et de la pureté de la conscience:
- EMI: Les expériences positives d'EMI sont souvent associées à des sentiments de paix, de joie et de clarté mentale.
- Bouddhisme: La pratique bouddhiste vise à purifier l'esprit des obscurcissements (kleshas) pour révéler la clarté et la sagesse inhérentes à la conscience. L'éveil (bodhi) est l'état de conscience ultime, libéré de toute impureté.
5. L'interconnexion et l'unité:
- EMI: Certaines personnes ayant vécu une EMI rapportent un sentiment profond d'unité avec les autres, avec l'univers, et une compréhension de l'interdépendance de toute chose.
- Bouddhisme: Le concept d'interdépendance (pratītyasamutpāda) est central dans le bouddhisme, soulignant que tous les phénomènes sont interconnectés et dépendants les uns des autres. La réalisation de cette interconnexion est une clé de la sagesse et de la compassion.
En résumé
Les expériences de mort imminente ne prouvent rien au sens strict du bouddhisme, qui invite à l’observation directe plutôt qu’à la spéculation. Pourtant, les similitudes entre ces récits et les enseignements sur la conscience sont trop nombreuses pour être ignorées. Elles offrent une perspective contemporaine qui, loin de contredire la vision bouddhiste, semble la confirmer sous un autre angle. Ces rapprochements peuvent enrichir notre compréhension de la conscience et renforcer l’intérêt pour les enseignements du Bouddha comme voie d’exploration intérieure lucide et directe.