"En ce qui concerne ces choses, l'être éveillé garde le silence."- Bouddha
Certaines questions ont été volontairement laissées sans réponse par le Bouddha. Ce silence n'est pas une faiblesse, mais une clé de la pratique bouddhiste.
Dans les enseignements du Bouddha, certaines questions sont qualifiées d’avyākata, un mot pāli signifiant "indéterminées" ou "laissées sans réponse". Elles concernent principalement des spéculations métaphysiques: l’origine du monde, la nature de l’âme, ou ce qui advient après la mort d’un éveillé. Ce refus de réponse n'est pas accidentel, mais intentionnel et profondément signifiant.
Le Bouddha explique que ces questions ne conduisent pas à la cessation de la souffrance. Elles entretiennent des pensées stériles, créent des attachements à des vues rigides, et détournent de l’essentiel: l’expérience directe et la libération intérieure. Dans le Cūḷa-Mālunkyā Sutta, il évoque l’homme blessé par une flèche qui refuse de se faire soigner tant qu’il ne connaît pas tous les détails sur l’auteur du tir. Cette parabole illustre l’absurdité d'attendre des réponses parfaites avant d’agir pour sa propre guérison.
Parmi les dix principales questions indéterminées, on trouve: "Le monde est-il éternel ou non?", "Le Tathāgata (le Bouddha) existe-t-il après la mort ou non?", "L’âme et le corps sont-ils identiques ou distincts?". Le Bouddha ne dit pas que ces questions sont interdites, mais qu’elles ne mènent pas à la libération. Elles ne sont pas utiles pour comprendre et abandonner la souffrance ici et maintenant.
Ce silence face aux avyākata nous invite à une posture nouvelle: au lieu de vouloir tout comprendre, nous apprenons à observer, à expérimenter, et à nous libérer des constructions mentales. Le Bouddha oriente notre attention vers les Quatre Nobles Vérités et la pratique du Noble Sentier Octuple, qui transforment directement notre relation à l’existence.
Refuser de répondre à certaines questions est donc une manière d’enseigner. C’est un appel à sortir de la spéculation pour entrer dans la clarté de l’expérience. Le Bouddha ne nous demande pas d’avoir foi en des réponses, mais d’examiner par nous-mêmes ce qui mène à la paix intérieure.
Dans notre monde moderne, avide de réponses et d’explications, cette attitude peut surprendre. Pourtant, elle est d’une grande sagesse. Elle nous libère du besoin de tout contrôler mentalement, pour nous ouvrir à une compréhension plus directe, plus simple, plus vraie.
Les avyākata sont un rappel précieux: tout ce qui est pensable n’est pas nécessairement utile. Le Bouddha nous invite à lâcher les spéculations pour tourner notre attention vers la seule question qui vaille vraiment: comment mettre fin à la souffrance? Ce silence n’est pas un vide, mais un espace de liberté.
Le Bouddha a enseigné que même l'attachement à la recherche de la vérité peut devenir un obstacle. Dans le Tevijja Sutta, il souligne que connaître les mots ou les doctrines n’a pas de valeur sans la pratique qui mène à la libération. Ainsi, les avyākata rappellent que la liberté intérieure prime toujours sur le savoir intellectuel.